Paraître ou disparaître, telle est la question

2 ans maintenant que je n’ai rien publié. Pour ne pas dire 2 ans que je n’ai rien écrit.
Et pourtant, d’après les statistiques de ce blog, des gens viennent encore se perdre par ici… On se demande pourquoi. En tout cas, moi je me le demande.

Et puisque nous sommes à l’heure des questions, une autre me vient à l’esprit. Enfin je dis une question, mais il s’agit plutôt d’une réflexion.
Quel est l’impact du regard des autres sur ce que je peux publier ici ?
Quelles réactions cela peut-il engendrer ?

Rendons-nous à l’évidence. La lecture d’autrui m’impose une auto-censure (voyez-vous le paraître pointer le bout de ce qui semble être son nez ?), je dois le reconnaître. Mais la non-lecture de ce que je publie serait une bonne leçon pour mon égo.
On en vient donc à la question : dois-je me laisser voir sous l’angle que j’adopte dans ces pages ? Et si oui, par qui, et à quel point ?

Toute l’histoire des relations sociales : quelle est la dose d’hypocrisie adéquate ?
Vous savez, pour ne pas heurter les gens, pour ne pas se retrouver complètement seul, mais aussi la dose qu’on est capable de supporter sans renier qui nous sommes. L’hypocrisie est un mal nécessaire aux relations sociales.
Ce que j’écris ici peut-il nuire à ma « Carrière » ? A mes relations sociales ?

Il semble évident (héhé) que oui. D’où la question qui se pose sur cet espace quant à moi :
Paraître ou disparaître ?

Bien sûr, la question peut être généralisée…

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… Malacordia – 3ème partie – épisode 2 …

      Les semaines qui s’écoulèrent après ce tragique épisode furent bien plus calmes que prévues. L’ « Ancien » n’était pas revenu en fantôme pour les tuer, les corbeaux n’étaient pas venus dépecer les enfants, le sol ne s’était pas ouvert sous eux pour les engloutir, et c’est avec une infinité de précautions que les villageois retournaient à leur vie d’avant, les rêves remplis de moissons généreuses et de chasse abondante. Certes la récolte des céréales avait été moins bonne cette année, à cause de fortes pluies, mais cela arrive de temps à autre, et les réserves de l’année précédente subviendraient à leurs besoins. C’est donc dans un climat assez calme que tout le monde se préparait pour passer l’hiver. Et l’hiver arriva.

      A la lecture des archives du guérisseur, il semble que Faund fut le premier atteint. Il tomba malade juste avant les premières neiges.
« Cela devait bien arriver. A aller nager dans l’eau glacée de la rivière, il finira pas attraper la mort. » avait dit son père. Je crois qu’il ne pensait pas avoir vu si juste 3 semaines plus tard, quand il alla enterrer son fils.
      Erwin fut le second. Le même mal. Et il en mourut, lui aussi, 3 semaines plus tard. 3 longues semaines à s’affaiblir, en dépit des remèdes pourtant efficaces autrefois. Les plus folles rumeurs circulèrent alors dans Vernick. Et toutes revenaient inéluctablement à l’épisode de l’incendie du Jardin. Ils étaient tous les 2 là-bas. Et d’autres aussi y étaient. Leur tour allait arriver, forcément. La malédiction était sur eux.
      On repensa alors à tout ce qui c’était passé depuis : les mauvaises récoltes, l’hiver précoce, l’arbre qui n’avait pas voulu tomber, les abeilles qui avaient fait moins de miel… Un mal être envahissait peu à peu l’air ambiant. On aurait presque pu le toucher. Des plumes de corbeaux furent accrochées aux portes, on s’arracha tous les talismans disponibles, on se découvrit subitement une foi inconsidérée en un Dieu, en particulier s’il savait protéger du mauvais sort. Et quelques hommes, qui avaient participé à un sauvetage nocturne quelques mois auparavant, commencèrent à glisser vers la folie quand, un matin, le père de Malacordia ne se leva pas. Il venait de tomber malade.

      Pour la vindicte populaire, cela ne faisait plus aucun doute. La malédiction s’abattait sur eux. On mit à l’écart tous les hommes qui avaient participé au sauvetage. On les interrogea pour savoir quel sacrilège ils avaient commis. Les héros de jadis étaient maintenant des parias, accusés d’avoir attirer la mort sur le village. Et comme aucune des réponses qu’ils fournissaient ne semblait convenir, on se mit à les interroger plus « efficacement ».
      C’est à ce moment là que d’autres commencèrent à tomber malade. D’autres qui n’avaient pas pris part à l’expédition maudite. Désormais tous se sentirent condamnés. Dès lors, la nécessité de trouver des coupables s’intensifia au même rythme que la peur d’être le prochain à être frappé par le fléau. Certains voulurent fuir le village pour échapper à la malédiction mais on les retint. Et ils furent mis au ban des accusés. S’ils voulaient fuir, c’est sûrement car ils étaient coupables. La suspicion avait remplacé toute logique. Puis on se mit à soupçonner ceux qui n’étaient pas malades. Et encore plus ceux qui étaient en bonne santé. Puis se fut au tour de ceux qui firent semblant d’être malade. Ils furent sévèrement punis, mais la malédiction continuait de s’abattre sur le village et la traque devait continuer, pour éradiquer le mal qui sévissait parmi eux. Il fallait épurer leurs rangs avant que tous ne succombent. On chargea alors les « volontaires », encadrés d’une escorte, de retourner au Jardin afin d’y implorer le pardon et peut-être de mettre un terme à la malédiction.

      Sur la douzaine de personnes parties implorer le pardon de l’« Ancien », seules trois revinrent. Ou plus exactement leur corps revint. Leur esprit semblait être resté… ailleurs. Des mots qu’ils répétaient sans cesse, on en reconstitua des faits, qui se répandirent plus vite qu’on le crut possible.
      La route avait été pénible, autant par le temps, la neige que par l’ambiance pesante qui régnait entre eux. Les « volontaires » savaient qu’ils allaient être exécutés par leur escorte, en offrande, pour implorer le pardon. Et, à l’époque,  s’ils avaient été volontaires pour sauver la petite, ce n’était plus le cas pour leur nouvelle mission. Quand ils arrivèrent aux abords du Jardin, tous s’arrêtèrent devant le spectacle qui se révélait à eux. Ce lieu qui jadis était si tranquille, si apaisant, avait l’air rongé d’un mal nouveau. On avait l’impression que la nature avait été sauvagement violée, corrompue, et l’atmosphère malsaine qui s’en dégageait était contagieuse. C’est à ce moment là qu’un détail énorme leur apparu : il n’y avait pas de neige dans le Jardin !!! Tout autour d’eux était recouvert d’un manteau blanc qui arrivait parfois jusqu’aux genoux, et dans le Jardin, rien… pas la moindre trace de neige.
      Cette constatation les glaça tous d’effroi mais les « volontaires » furent les premiers à en émerger. On est toujours plus réactifs quand on sent venir ses derniers instants. Ils profitèrent que leur escorte restait pétrifiait devant le tableau malsain qui s’offrait à leur sens, pour se ruer sur eux. Une mêlée s’en suivit et elle ne s’interrompit que quand Sorfi poussa un cri d’horreur en désignant un de ses anciens compagnons. Il avait été tué dans l’affrontement et son corps gisait par terre. La neige avait complètement fondu autour de son corps. Et son sang ne s’écoulait pas sur la terre. Il s’écoulait dans la terre. La terre buvait son sang.
      A la vue de cette horreur, la folie s’empara d’eux à nouveau. Chacun essayait de tuer tous ceux en face de lui comme si c’était la seule façon de survivre. Et ils n’étaient plus que cinq quand ils se rendirent compte qu’une dizaine de corbeaux décrivait un cercle au dessus d’eux. Ils hurlèrent d’effroi autant que leurs poumons pouvaient le permettre. Ils lâchèrent leurs armes et se mirent à dévaler le chemin vers le village aussi vite que possible. Et ils rentrèrent à trois, sans savoir si la mort les délivrerait un jour de leur folie.

      C’est le sage qui avait réussi à comprendre leur récit. Il en fit part à Dirdeu, qui fut épouvanté par ce récit. La panique fut contagieuse. Et elle se dirigea vers la source désormais évidente de tous leurs problèmes : Malacordia. C’est elle que la terre voulait. C’est elle qui devait mourir pour apaiser la colère de la nature. Même le sage trouvait de la sagesse à ces propos. Seul Dirdeu n’était pas de cet avis. Il fut pendu pour cela, après que tout le monde se mit d’accord sur le fait qu’il était de mèche avec la petite, qui était une sorcière, et qu’il tenait ses méthodes de guérison du fait qu’il avait été enfanté par un démon.
      Une fois la corde ayant rendu justice, la horde de villageois se rua vers la maison des Terru. Et ils la brûlèrent, sans prendre le temps de prévenir ceux qui l’habitaient. Mais le feu se transmis aux maisons voisines, puis à une bonne partie du village. Tout le monde courrait et cherchait à tuer ceux qui s’enfuyaient. L’agitation fut totale quand quelqu’un cria qu’il avait vu passer des corbeaux. Le village fut détruit en quelques heures et les rares survivants moururent quelques jours après. Il ne restait plus rien. Le village et ses habitants qui avaient tenu en respect les légions étrangères pendant des dizaines d’années fut anéantit en quelques jours. L’armée calastienne s’appropria ce massacre, à titre d’exemple de ce qui arrive quand une cité ne paye pas ses impôts.

      On ne retrouva qu’une seule chose de ce village, au bout d’une semaine, dans la grande cité voisine. C’était une petite fille, et elle frappait à une porte en pleurant.


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Flood me, flood me

Ca fait un bout de temps que j’ai pas écrit ici.
Ca fait un bout de temps que j’ai pas écrit tout court.
Ca fait un bout de temps que j’ai pas fais de sport.
Ca fait un bout de temps que j’ai pas fait de musique. 
Ca fait un bout de temps que j’ai pas joué au échec.
Ca fait un bout de temps que je suis fatigué.
Ca fait un bout de temps que j’ai pas rencontré de vrai lapin rose.
Ca fait un bout de temps que j’ai pas vraiment aimé une fille.
Ca fait un bout de temps que j’ai plus de temps.
Ca fait un bout de temps que j’ai pas pris le temps de m’occuper de ma vie.
Ca fait un bout de temps que je m’occupe plus de mes amis.
Ca fait un bout de temps que je m’occupe plus de mes amies.
Ca fait un bout de temps que je rencontre beaucoup moins de monde.
Ca fait un bout de temps que je me suis pas pris une cuite.
Ca fait un bout de temps que j’ai pas découvert de nouvelles choses.
Ca fait un bout de temps que je fais que bosser.
Ca fait un bout de temps qu’on me compare à un zombie.
Hum… je crois que je suis mort et que ça fait un bout de temps.

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… Malacordia – 3ème partie – épisode 1 …

La terre était humide. C’est la seule chose sûre dont se rappelait Malacordia après avoir revu les lieux de sa mésaventure de la veille. L’esprit se raccroche parfois à des détails insignifiants. Elle avait fortement insisté, elle-même sans trop savoir pourquoi, pour retourner voir le Jardin. Un sentiment de culpabilité et un sentiment de honte se chamaillaient dans sa conscience pour savoir qui était le plus fort. Elle avait mis tout le village en émoi. On avait du aller la chercher, de nuit. Sa jambe cassée lui avait permis d’échapper à une sacrée correction sur l’instant, mais elle aurait suffisamment de corvées dans les années à venir pour bien y réfléchir. Néanmoins elle sentait qu’elle devait y retourner, malgré la douleur que son attelle et ses béquilles ne réduisaient qu’à peine, et surtout malgré ce que pouvaient en dire les autres.

 

La plupart des villageois estimaient que la crémation des restes de l’ « Ancien » était un signe. Mais la plupart des villageois ne s’accordaient pas sur l’interprétation de ce signe. Ils étaient tous d’accord pour dire que l’orage avait foudroyé un arbre qui avait ensuite mis feu à la vieille demeure. Certains y voyaient un heureux présage, une libération de l’emprise d’un vieil homme mystérieux, si toutefois ça avait été un homme. D’autres prédirent que le village était désormais maudit car il avait perdu la protection de celui qui veillait sur eux, même à travers la Mort. Il fallu l’intervention du Sage pour ramener les villageois à la raison :

« Allons, il ne sert à rien de nous disputer sur ce sujet. Laissons venir l’avenir et nous verrons si les pessimistes ont tort, ou si les optimistes ont tort, ou si vous avez tous tort. »

Comme à son habitude, il avait réussi à ramener un peu de calme en prononçant une phrase dont il avait le secret. Le genre de phrase qui oblige chacun à réfléchir jusqu’à se demander ce qu’il fait là.

Toutefois, quelques hommes savaient que ce n’était pas l’orage qui avait embrasé l’Arbre. Et ils se gardèrent bien de le dire… D’autant que les autres les prenaient pour des braves : ils avaient été dans le Jardin, sauver la petite, et ce, malgré les flammes qui dansaient autour d’eux. Et cette situation leur convenait parfaitement.

 

« C’est pas trop grave, ma petite. Une bonne attelle, du repos, et tu pourras ramasser les châtaignes cet automne. »

Dirdeu était guérisseur. On avait décelé chez lui, dès son plus jeune âge, une faculté à soigner les bêtes. C’est tout naturellement que par la suite, il transposa sa science sur les humains. Et ça ne fonctionnait pas trop mal.

« Dirdeu… », fit Malacordia, alors qu’il terminait de fixer son attelle.

Il ne leva pas les yeux, attendant la suite.

« Faut que j’y retourne. C’est à cause de moi si c’est arrivé, faut que j’y retourne. Pour voir. Comme pour oncle Archiblad. »

La voix de Malacordia était remplie de tristesse et de mal-être. Dirdeu s’arrêta un instant.

« Il vaudrait mieux que tu n’y ailles pas. Tu as déjà assez fait de bêtises, non ? ». Son ton était sec mais sans méchanceté. Il serra un peu plus fort le bandage.

« Je sais… mais je dois y aller, pour m’excuser auprès de l’arbre ». Elle commençait à pleurer en finissant sa phrase.

« Alors tu iras plus tard. Il sera encore là, plus tard. Et puis tu dois éviter de marcher, sinon, tu ne vas pas guérir. »

Malacordia pleurait.

« C’est maintenant… que je dois y aller… après c’est trop tard… Il est mort… et c’est ma faute… ».

La douleur de sa jambe lui semblait bien ridicule à coté de ce qu’elle ressentait en pensant à l’arbre. Dirdeu était désemparé. Il n’avait pas devant lui une petite de huit ans qui faisait un caprice. Il avait devant lui une personne qui voulait se rendre sur la tombe d’un parent pour lui rendre un dernier hommage. Et c’est une souffrance qu’il comprenait très bien.

Il hésita encore un long moment.

« De toute façon, je suis à court de Fougaille et de feuilles de Genièvre. Ca me fera un peu de compagnie. » se dit-il, tout haut.

« Je vais en parler à ton père. »

Malacordia éprouva un bref soulagement. Elle sentait que ses intentions étaient dans le juste.

 

« Votre fille a vidé ma réserve d’herbes. Je l’emmène avec moi en cueillir. Elle me les nettoiera en chemin. »

« C’est bien le moins que cette petite peste puisse faire, Dirdeu. Qu’elle se rende utile au lieu de nous créer du souci ! »

Le tour était joué. La permission accordée. Dirdeu était fier de sa science. Toujours faire croire à un animal que c’est lui qui a décidé de se rendre là où on veut le mener.

Malacordia était installée dans la brouette de Dirdeu, les yeux encore rouges d’avoir pleuré.

« J’ai convaincu ton père. On peut y aller. »

Et ils se mirent en route sur le sentier qui menait vers les ruines encore fumantes de la veille.

Comme des années auparavant, la procession se fit dans le plus grand silence. Même la roue de la brouette avait compris que ce n’était pas le moment de grincer pour réclamer un peu de graisse.

 

Malacordia repensait à ce qui s’était passé la veille. Le Jardin. L’Arbre. L’escalade. Le plaisir. Les dessins. La curiosité. Sa chute. La peur. Sa blessure à la poitrine. La douleur. La nuit. La solitude. Et le feu. Elle avait déjà revécu plusieurs fois sa journée quand elle émergea de ses pensées. Dirdeu avait ralenti sa marche.

Ils se trouvaient à quelques mètres à peine de… d’un champ de cendres encore fumant par endroit. Il ne restait plus rien du petit portail, de la clôture, de la maison qui avait tenu bon malgré les assauts du temps, et surtout il ne restait que désolation là où, la veille, la nature régnait en souveraine absolue. Rien n’avait été épargné.

On pouvait encore sentir une chaleur malsaine émaner de l’endroit. Une odeur de bois brûlé, d’herbes calcinées s’échappait des souches encore fumantes. La vue de cet endroit n’avait rien de plaisant, mais les odeurs qui s’en dégageaient auraient pu donner la nausée au plus endurci des charognards.

Des petits crépitements avaient remplacé le chant des oiseaux. Quelques souches finissaient de consumer leur dernière étincelle de vie. La Mort avait été donnée en ce lieu, à tout être qui s’y trouvait. Et le vent emportait au loin les restes de ces vies. Inexorablement. Cet endroit autrefois verdoyant et animé, était désormais un lieu de non-vie.

 

Dirdeu ne bougeait plus. Le spectacle l’avait horrifié. Sa raison vacillait et ne tenait qu’à la certitude que les flammes de l’Enfer avaient envahi l’endroit pour reprendre ce qu’on leur devait. Il lâcha la brouette et vomit son dégoût sur le bord de la route.

Malacordia était bouleversée. Elle ne comprenait pas comment tout avait pu dégénérer à ce point. Elle sortit comme elle pu de la brouette et se traîna vers ce qu’elle pensait être l’entrée du défunt Jardin. Tout ce qu’elle avait vu la veille était détruit. Non, pire. N’existait plus.

Cette prise de conscience la fit tomber à genoux. Son attelle cassa et une douleur fulgurante lui remonta le long de sa jambe. Elle n’y prêta aucune attention. Elle était anéantie par ce qu’elle voyait.

Des larmes commencèrent à se déverser sur ses joues. Elles prirent rapidement une ampleur assez conséquente. Elle pleurait sincèrement la disparition de cette vie qui était encore si présente hier. Mais ses larmes n’évacuait qu’une infime partie de la douleur qui la saisissait.

Elle posa ses mains sur le sol pour prendre un peu de cendres à garder pour elle, comme un dernier souvenir, comme la mèche de cheveu de l’oncle Archibald. Cet endroit ne serait plus jamais comme avant.

« Pardon… » pleura-t-elle alors que ses larmes tombaient sur le sol.

Elle ramassa un peu de cendre qui se trouvait devant elle et les mit dans une poche de sa robe. La terre était humide.

 

 

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… Malacordia – 2ème Partie – Episode 3 …

« Qu’est-ce qu’elle fout encore cette feignasse ? Fait bientôt nuit et l’a pas encore rentré les bêtes ! Va m’entendre c’te fois-ci ! » grogna l’homme.

Il remit ses sabots boueux et s’en alla, bâton à la main, vers la place du village.

« Malacordia ! T’as intérêt à reintrer sinon euh t’ passeras ch’nuit à ch’l’étab’ avec ché quèvres ! » cria t-il en arrivant sur la place, sûr de son effet. Mais la place était vide.

« Elle joue toujours là avec les autres gamins d’habitude… » se dit-il dans un premier temps, décontenancé de ne pas avoir eu de public pour son arrivée.

« D’où qu’elle s’est encore fourrée c’te peste ? » pensa t il tout haut. « M’en va aller d’mander à ché voisins. »

Après un rapide tour d’inspection, les autres gamins étaient tous rentrés mais personne n’avait vu la jeune enfant depuis le début de l’après-midi.

Passablement inquiet, le père couru chez le bourgmestre.

« M’fille y a disparu ! Faut la retrouver avec que ch’nuit tombe ! ».

Et une heure après, une cohorte d’une vingtaine de villageois s’en allait affronter la nuit, armés de torches et de bâtons, se ralliant à un nouveau cri de guerre : « Malacordia ».

 

Sur son arbre, Malacordia restait fermement cramponnée au tronc. La grande entaille sur sa poitrine lui faisait mal, mais elle avait arrêté de pleurer après avoir entendu les hululements annonciateurs de la nuit. Autant éviter de se faire remarquer par les bêtes nocturnes. Et au moins, en hauteur, elle était un peu protégée. Peu à peu elle se calmait, se préparant à passer la nuit accrochée au tronc, et se mit à réfléchir sur son sort.

« Tout ça c’est de la faute de ces dessins ! » finit-elle par conclure.

Dans un esprit de vengeance, elle se mit donc à arracher l’écorce de l’arbre se trouvant à sa portée.

« L’arbre a bien fait pareil avec moi ! » se justifia-t-elle envers elle-même. Elle arracha toute l’écorce qu’elle pu, dévoilant le bois vivant sur lequel coulait la sève.

« Maintenant on saigne tous les deux, on est quitte. » dit-elle à son compagnon d’escalade.

La sève coulait le long du tronc. Mais elle ne ressemblait pas au liquide nourricier des autres arbres. Elle était plus verte, plus gluante, plus odorante et surtout beaucoup plus abondante que prévu. Et elle dévalait le long du tronc comme la pluie, jusqu’à rejoindre le sol.

« Beurk, en plus ça colle et ça pue. » rouspétait Malacordia en s’essuyant les mains sur les restes de ces vêtements. Et étant obligée de rester agrippée au tronc pour ne pas tomber, elle fut bientôt souillée de cette substance qui se mêlait au sang qui s’échappait  encore de ces blessures.

Ce n’est qu’après quelques minutes que le flot se fit moins abondant et que Malacordia s’apaisa, avec le sentiment d’avoir assouvi sa vengeance. Elle finit même par s’assoupir, épuisée par toutes ces émotions.

 

« Craaaaaaaaaaaaac ».

Réveil en sursaut. Panique à bord. Bruit de branche qui casse. La chute. S’accrocher. Vite. Par réflexe, elle serra encore plus le tronc auquel elle était presque collée par le liquide suintant des écorchures de l’arbre. Elle mis quelques secondes à se rendre compte que rien ne bougeait autour d’elle et que le bruit qu’elle avait entendu n’était autre que le grondement de tonnerre accompagnant un éclair qui déchirait le ciel.

Soulagement. Elle n’était pas tombée. Par contre, l’orage n’était pas une bonne chose, surtout quand on est perchée dans un arbre. Elle se décolla un peu du tronc et entreprit de regarder sa blessure à la poitrine. La plaie avait l’air assez saine et faisant déjà moins mal. Elle était contente de cela car elle se rappelait encore l’année dernière de la mauvaise cicatrice de l’oncle Archibald, à qui on avait du couper la jambe. Ce qui ne l’avait pas empêché de mourir peu après. Mais bien vite, un second coup de tonnerre la ramena sur terre, ou plus exactement à une dizaine de mètre de hauteur de celle-ci.

 

C’est aussi à ce moment là que Malacordia vit une lumière assez forte s’approchant de la maison de « l’Ancêtre » par le sentier. Et la lumière semblait l’appeler au loin.

 « Des torches !!! C’est des torches !!! Ils sont venus me chercher. ». La petite était aux anges. Les secours arrivaient au bon moment, juste avant que l’orage ne déverse sa colère sur elle.

« J’suis là ! Venez me chercher ! Papa ! J’suis coincée ! ».

Elle hurla aussi fort que sa poitrine endolorie le lui permis. Et cela semblait fonctionner. Après un bref arrêt, la forêt de torches se précipita jusqu’à arriver devant la barrière du Jardin.

« Papa ! J’suis dans l’arbre. Viens me chercher ! »

Mais la troupe de villageois ne bougeait plus. Personne n’avait pénétré dans la dernière  demeure de « l’Ancêtre » depuis des générations. C’était comme un sacrilège. Toutes les croyances, les folklores, les contes et légendes remontaient de l’inconscient collectif pour frapper de plein fouet l’esprit des villageois.

« Elle est perdue. On pourra jamais aller la chercher. »

« Elle est dans le Jardin… et elle est encore vivante. Elle va se transformer en sorcière… il faut tout brûler ! »

« Moi j’rentre pas là dedans. Désolé mon gars. »

Telles furent les principales réactions du groupe de villageois.

« Bande eud’ poules mouillées ! Ché m’fille ! Alors j’m’en va aller la quérir ! Et cheux qui ont quéqu’ chose ent’ les guiboles qu’ils m’suivent ! » cria le père de Malacordia.

« Et vous, chi vous voulez v’nir bosser d’main à ch’ferme, z’avo plutôt intérêt à m’chuivre ! » lança-t-il furieux à cinq de ses ouvriers présents dans le groupe.

« Papa ! J’ai peur ! »

Devant les cris de la petite et les injonctions de leur patron, 7 hommes finirent par se décider à rentrer. Et l’orage qui grondait de plus en plus au dessus d’eux ne faisait que rajouter un coté lugubre à la scène. Le groupe poussa alors le portillon et entra dans le Jardin, en priant que celui-ci, occupé à se protéger de l’orage, ne les remarque pas.

 

Le vent commença à se lever et de fines gouttes de pluie décidèrent de faire l’expérience de la gravité.

« Papa y’est là ! On va v’nir eut’ chercher ! Bouge te pas ! » cria le père en avançant doucement dans le Jardin. Les hommes étaient aux aguets, s’attendant à voir surgir des bêtes ou pire encore. Chaque mouvement de la nature, même du au vent, était suspect. Et la sensation d’être observé par chaque végétal et par des choses invisibles. Certains entendaient même l’herbe crier sous leur pas.

Ils mirent plusieurs interminables minutes à faire les quelques mètres qui les séparaient de l’endroit où Malacordia se trouvait. Ils savaient qu’ils devaient se dépêcher, pour sauver la petite, pour éviter au maximum l’orage, pour rentrer chez eux le plus rapidement possible, et surtout pour sortir de ce lieu qui nourrissait tant de terreur auprès des étrangers qui avait voulu y faire halte.

« Papa ! J’suis en haut ! »

Ils arrivèrent au pied de l’Arbre et durent s’arrêter un instant pour encaisser le choc. Ils découvrirent un hêtre majestueux, bien plus grand et plus solide que ceux de la région. Mais surtout, à son pied, il y avait une tombe. La tombe de « l’Ancien ». Et on pouvait voir une des racines de cet hêtre plonger directement dans la terre qui servait de sépulture à « l’Ancien ».

Ils oublièrent un court instant où ils se trouvaient et pourquoi ils s’y trouvaient. La vision de cette racine plongeant dans la terre au milieu de la tombe les glaça. La nature n’avait décidément rien de naturel en ce lieu. Un claquement dans le ciel les fit revenir à eux. L’orage commençait à être particulièrement violent et la pluie commençait à envahir la terre après avoir envoyé quelques gouttes en éclaireur.

« Malacordia ! Ch’suis en dechous. Saute ‘em fille. Ch’te rattrap’. ». La récupérer au plus vite et partir pensait le père. Partir au plus vite et quitter ce lieu maudit.

Contre toute attente, Malacordia se lança dans le vide, entièrement confiante en son père. La pluie mélangée à la sève avait aussi rendue sa prise plus glissante. Elle dévala les quelques mètres la séparant du sol en criant. Aucune branche ne freina sa chute.

Médusé par ce saut dans le vide, la plupart des hommes ne réagirent pas. Seuls Erwin et Faund eurent la présence de lâcher leur torche pour récupérer la petite qui tombait. Et heureusement, car ils ne furent pas trop de trois pour amortir la chute de la fillette, qui heurta tout de même le sol, un peu trop violemment de l’avis de sa jambe.

« Aieeeeeeeeee. Ma jambe, j’ai mal. » cria Malacordia.

Elle s’était jetée dans le vide. De plus de  dix mètres de haut. Les hommes n’arrivaient pas à en croire leurs yeux. Ils allaient pouvoir sortir ensemble du Jardin, avec la fillette. Comme des héros. Et des héros vivants.

Mais tout ne se passait pas aussi bien qu’ils le pensaient. La torche lâchée par Erwin avait atterrie au pied de l’Arbre. Et malgré la pluie qui s’abattait sur eux, l’herbe s’embrasa. Le feu prit dans les herbes au pied de l’Arbre, avant de grimper à la verticale le long du tronc, comme un chat, jusqu’à l’endroit où était Malacordia. L’Arbre se transformait doucement en torche géante de plusieurs dizaines de mètres. Une torche dont le feu crépitant émettait par instant des reflets verts.

« Dehors ! Chortez touch’ d’ichi ! » cria le père.

Et tous coururent aussi vite que possible vers le portillon, sans oser se retourner. Les autres hommes les virent revenir, alors que derrière ceux qui avaient oser blasphémer envers le Jardin, l’Arbre brûlait et illumait la nuit d’une clarté étrange.

« J’avais dit qu’il fallait brûler cet endroit. » dit un des hommes derrière le portillon.

Il ne se doutait certainement pas de la suite des événements…

 

 

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… Malacordia – 2ème Partie – épisode 2 …

Il se passa plusieurs jours avant que Malacordia ne revienne sur les lieux de son futur exploit. Profitant d’une énième partie de « tu m’trouveras pas », elle se rendit directement vers le Jardin de « l’Ancêtre ». Même le titre des plus illustres ne résiste pas à l’usure du temps.

Elle était déterminée à réussir. Compte tenu de la prestance de cet arbre, de l’interdit qui régnait autour de ce lieu, cela serait certainement son trophée le plus accompli. Elle s’était même entraînée sur des arbres plus faciles pour être sûre de bien réussir. Pour elle, ce n’était plus juste une petite fille qui allait grimper à un arbre. Cette épreuve avait pris une tournure particulière et les enjeux étaient devenus considérables.

« Personne ne va là-bas. Et ceux qui y sont allés sont toujours revenus blessés et apeurés. » se disait-elle en se remémorant les frissons qui l’avaient parcourue la première fois.

« C’est vrai que c’est pas un arbre comme les autres. Ca se voit tout de suite. Il faut une championne comme moi pour le grimper. »

« Et puis tout ce que les gens disent sur cet endroit. Moi j’ai pas vu de loups. Et puis j’en suis bien revenue la dernière fois. C’était bizarre mais c’est tout. »

« En plus, quand j’aurai réussi, ils seront bien obligé de dire que c’est moi la championne. »

Mais ces quelques pensées qui tournaient dans sa tête ne la rassuraient qu’à peine. Le poids des légendes est souvent bien plus lourd que celui de la réalité.

Une fois arrivée devant le portillon, elle se recueillit un instant, comme elle avait vu faire les garçons avant de passer le « Rituel ».

Le « Rituel » était une coutume ancestrale, transmise depuis bien des générations, dont le but était de transformer les garçons en hommes. Quand vient le temps du « Rituel », les hommes construisent une hutte dans laquelle les garçons devront entrer. Elle sera brûlée après le passage du dernier, pour garder le mystère intact. Les garçons se préparaient pendant longtemps pour entrer dans la hutte du « Rituel ». Et d’après ce qu’elle avait vu, certains ne se préparaient pas assez. Cette escalade serait son « Rituel ». Il était donc primordial de bien se préparer avant d’escalader ce qui la ferait passer de petite à grande.

Après quelques minutes de concentration, une fois ses angoisses moins oppressantes, elle entreprit d’ouvrir le portail, puis s’avança vers son objectif. La nature, qui devait commencer à s’habituer à cette présence, ne garda qu’un œil curieux sur la petite fille, continuant ses occupations habituelles telles que la pousse des bourgeons, le labourage par les vers de terre, la course entre les nuages, …

Malacordia arriva au pied de l’arbre. C’était un hêtre d’une vingtaine de mètres de hauteur. Il était majestueux, robuste, sain. Il rayonnait sur la nature qui l’entourait. Malacordia en était mal à l’aise. Comme quand elle grimpait sur la chaise pour attraper la confiture cachée sur l’armoire, mais en pire. Il lui vînt alors une idée.

« Monsieur l’arbre, je m’appelle Malacordia. Et aujourd’hui je vais vous escalader. »

Peut-être que l’arbre était aussi inquiet qu’elle. Lui parler pourrait le rassurer. En tout cas, ça avait au moins le mérite de la rassurer elle.

« Je vais essayer de pas vous faire du mal. Je sais que vous allez essayer de me mettre des échardes et de me faire tomber mais c’est pas grave, je vais essayer de pas vous casser des branches. Je vais juste monter et après je descends. Faut pas avoir peur, je vais pas vous couper. »

Elle était assez fière de son petit discours et elle se dit que si elle avait était un arbre, ben ça lui aurait bien plu. Elle était maintenant en confiance et pour parfaire le tout, elle mit ses mains à plat sur le tronc de l’arbre pour faire connaissance. La sensation était bonne. L’écorce était solidement attachée au tronc, suffisamment solide, souple comme il fallait et encore chaude du soleil qui ensoleillait la journée. La sensation était douce et forte à la fois. Elle ferma les yeux et s’approcha pour lui donner un baiser.

« Pouah, c’est pas bon la peau d’arbre. » dit elle en s’essuyant la bouche.

Et comme il fallait bien commencer, elle prit une profonde respiration et commença à grimper. Les deux premiers mètres étaient les plus durs, car à ces hauteurs, il n’y a pas de vraies branches bien solides. Mais grâce à la qualité de l’écorce et ses talents d’escalade, Malacordia réussit à atteindre les premières branches. Elle en profita pour se reposer un peu et vérifier que ces mains n’étaient pas trop abîmées par ce passage à pic. Rien de grave. La partie la plus amusante allait pouvoir commencer. Elle grimpa facilement les quelques mètres suivants, grâce aux multiples bras solides que l’arbre lui offrait. Une petite pause pour admirer le paysage s’imposait. Elle regarda autour d’elle et vit qu’elle était encore en plein dans la végétation du jardin. De la nature partout. Et quelques mètres de vide en dessous.

C’est alors qu’elle remarqua une chose étrange : le tronc principal était comme griffé de petites marques. Quelqu’un aurait-il déjà escaladé cet arbre avant ? Son plaisir chuta d’un coup… elle ne serait pas la première à accomplir cet exploit. Mais à y regarder de plus prêt, ça ne ressemblait pas à des griffes d’escalade.

« Peut-être des petits animaux ? Des écureuils ? D’ailleurs, ils sont où les écureuils ? » se demanda t’elle. Elle avait l’habitude d’en rencontrer un ou deux lors de ses grimpettes ou au moins de les entendre. Apparemment cet arbre n’en avait pas.

« Même les écureuils ne grimpent pas où je grimpe ! » se dit-elle, fièrement, avant de recommencer à monter.

Quelques mètres plus haut, elle s’arrêta de nouveau pour faire une pause. A cette hauteur, la plupart des autres végétaux avaient abandonné la compétition et la vue se dégageait. Elle pouvait apercevoir son village, plus loin. La campagne autour. Les routes. Les champs. La rivière. Devant ce panorama, la satisfaction avait pris le dessus. Bien sûr l’ascension n’était pas terminée mais l’instant présent valait déjà à lui seul les punitions possibles. Elle regarda encore le tronc. Il commençait à se faire plus fin, et portait toujours des marques. Celles là ressemblaient à des petits dessins, comme ceux qu’elle avait pu voir dans les livres du Sage.

« Bizarre. » se dit-elle. Elle se demandait surtout comment ces vieux messieurs tout malingres avaient pu monter à cette hauteur pour dessiner sur le tronc.

« C’est pas possible. Ils savent même pas courir déjà. »

Poussée par la curiosité, elle décida de monter le plus haut possible pour elle aussi faire des dessins sur le tronc. Elle se remit donc à grimper. Les branches devenaient moins solides. Le vent se faisait de plus en plus présent. Il fallait maintenant bien tester la solidité des branches avant d’y grimper. Une erreur, un craquement et c’est la chute. Mais les marques étaient toujours sur le tronc. Il fallait continuer à grimper. Malgré le jour qui commençait à décliner, doucement derrière l’horizon.

La montée devenait périlleuse. Le tronc de l’arbre de ressemblait plus qu’à une branche soumise au caprice du vent.

« Encore des dessins !!! C’est pas vrai !!! » s’énervait Malacordia. Mais il devenait quasi impossible d’aller plus haut. Le tronc lui-même se demandait jusqu’à quel point il pouvait plier avant de casser. Le vent du soir s’était levé et une bourrasque soudaine mit à mal le fragile équilibre qui régnait à ces hauteurs vertigineuses.

« Craaaaaaaac » commença l’arbre.

« Nooooooooon » lui répondit en écho la jeune fille.

L’appui de son pied droit se déroba. Par réflexe, elle se cramponna au tronc et descendit de plusieurs mètres, collée à l’arbre, pendant que la branche, elle, faisait le grand plongeon.

Malacordia se sentit glisser le long du tronc, entendit d’autres branches craquer sous ses fesses et se fit arrêter net par une branche de passage, plus solide que ces hautaines consoeurs.

Plus rien ne bougeait. Et elle serait encore le tronc, aussi fort qu’elle pouvait. Elle en conclut qu’elle n’était pas tombée. Enfin si, mais juste de quelques mètres, pas de tout l’arbre.

L’adrénaline retombait un peu quand elle commençait à reprendre ses esprits et conscience de son corps.

« Aieeeeeeeeeeeeeeeeeeee !!! » se rendit-elle compte. Les dégâts ne semblaient pas anodins.

Comme après chaque chute, elle procéda à un petit inventaire.

« Chevilles, ok. Genoux, ok mais ça pique. Juste des brûlures. Le derrière, ok mais douloureux. Les mains. Aie, bien brûlées avec des échardes et du sang. Les coudes, ok. La tête, ok mis à part la joue droite, trop près du tronc lors de la glissade. Rien de trop grave apparemment. Quelle chance, vu la chute. »

Elle commença à se dégager un peu du tronc quand une forte douleur se manifesta.

« Ouilleeeeeeee ! » Cette douleur n’avait pas été recensée à l’inventaire. La douleur venait de la poitrine. Elle jeta un coup d’œil aux dégâts : vêtement déchiré comme par un coup de couteau. En dessous, une balafre d’une dizaine de centimètre faisait couler suffisamment de sang pour qu’elle se mette à avoir peur et laisse échapper quelques larmes.

La situation n’était pas des plus favorable. Elle était écorchée un peu partout, elle avait une belle entaille sur la poitrine, il restait encore une bonne dizaine de mètre à descendre et personne ne savait qu’elle était là. Et personne ne penserait à venir la chercher ici.

Peu importe les punitions et les corvées qu’elle allait avoir, il fallait que quelqu’un vienne et l’aide à descendre. Elle se mit donc à appeler à l’aide, aussi fort qu’elle pu. Mais aussi loin du village, personne ne pouvait l’entendre. Et il ne fallait pas compter sur d’éventuels passants, surtout à la tombée de la nuit…

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? : Argent => Médiocrité

 
Une réflexion a traversé mon esprit ces derniers temps. Et généreux comme je suis, j’avais envie de la soumettre à la vindicte populaire que vous, très chères lectrices, très cher lecteur (spéciale dédicace 😉  ), représentez. En attendant que Malacordia finisse de grandir.
 
L’argent attire-t-il la médiocrité ?
 
Il se trouve que dans notre bonne vieille société capitaliste, par définition de la dite notion sus mentionnée auparavant, (ouais, plus y a de mots bizarres avec des tournures à la con et plus ça fait sérieux il paraît), on glorifie le profit individuel dont l’incarnation physique est l’argent. En découle position sociale et autres mais le résultat premier reste l’argent.
Il est donc normal que toute personne adhérant au système tente de maximiser son profit, dans une certaine mesure (en fonction de ces aspirations autres, comme la liberté personnelle, le degré de confort voulu, …). Par conséquent, il est paraît normal et même recommandé d’aller là où se trouve l’argent.
Par exemple, dans le football, dans la politique, et dans une moindre mesure à une certaine époque l’informatique. On va donc voir débarquer des générations d’arrivistes et de profiteurs juste là pour se gaver de fric et qui s’en iront probablement dès que le vent tournera à moins d’être englué dans la routine.
Se retrouvent ainsi dans des domaines qui leur sont étrangers, des tas d’individus dont la motivation première (et unique ?) est l’argent.
Logique, normal et prévisible, compte tenu des règles du système.
 
Néanmoins, toujours par conséquence, on obtient aussi une baisse du niveau global de la discipline dans laquelle tous ces gens se sont engouffrés. Le pire étant que cette caste finira par gravir les échelons hiérarchiques. Et on se retrouvera avec des incompétents aux postes dirigeants. Est-ce qu’il y aurait autant de footballeurs s’il y avait moins d’argent ? Y aurait-il tant de chanteurs merdiques s’il n’y avait pas d’argent dans la Star’Ac ? Et par voie de conséquence, y aurait-il tant de gens qui écoutent ces merdes juste parce qu’il ne savent que gober goulument les pensées formatées qu’on leur impose ?
 
Je ne rentrerai pas maintenant dans le phénomène de la neuneutisation. Mais j’y reviendrai. Bref, l’argent me semble apporter la médiocrité par afflux de parasites, contribuant à faire chuter le niveau global. Après, les génies restent les génies. Ils sont justes noyés dans la masse de merde(s) qui les entoure.
 
Et réciproquement, c’est certainement dans les disciplines les moins exposées, les moins rentables, que l’on a la probabilité de trouver les gens les plus passionnés, les plus qualifiés. Jusqu’à ce l’argent ne commence à affluer et que la masse de sauterelles ne ravage cette discipline. Auto-destruction. On devrait rajouter cette notion au capitalisme.
 
A+
Xav
 
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Je crois qu’il est dans l’autre pièce

En fait, le mot qui me vient à l’esprit est puzzle.
Certains aiment faire des puzzles, d’autres non. Sans doute cela vient d’un besoin de remettre les choses en ordre, à leur juste place. Une façon métaphorique de remettre de l’ordre dans sa vie, dans sa tête. Un besoin de se rassurer, sous-jacent peut-être, en constatant que si chaque pièce a son unique place dans un ensemble harmonieux, il en va peut-être de même pour nous dans notre vie et plus largement dans l’univers. Voilà une explication sur la motivation à faire des puzzles.
Pour continuer dans la métaphore, car j’ai l’impression qu’elle sied bien à ce que je cherche à expliquer, les événements dont notre vie est jalonnée ne sont que des pièces de puzzles dont nous prennons conscience, entièrement, partiellement ou pas du tout.
Chacun est libre de les assembler, de les jeter, de les transformer (de la triche ? c’est interdit ?).
Ainsi, en fonction de notre personnalité et de ce que nous appelerons grossièrement le Destin, nous avons la possibilités de collecter plus ou moins de pièces de ce puzzle, pièces dont l’importance est proportionnelle à la répercution que l’événement entraîne sur nous. Ainsi nous disposons d’un ensemble de pièces sur lesquelles nous avons une opinion de ce qu’elles représentent, de leur place, à tort ou à moins tort.
Chacun qui essaie de résoudre ce puzzle, dont il ne connaît ni l’issue finale (l’image à reproduire) ni l’ensemble total des pièces (cardinalité infinie ?), va donc essayer d’assembler les pièces qu’il a de manière à former un ensemble plus ou moins cohérent (selon son degré d’exigence) représentant généralement une image symbolique ou concrète de ce qu’il désire/croit/pense.
Par conséquent, chaque nouvelle pièce apportée par les aléas de la vie risque de mettre en péril l’architecture qu’il a batti avec les pièces déjà en sa possession.
Une multitude de conséquences comportementales et mentales peuvent être déduites de cette simple phrase. Qui accepterait de devoir refaire un puzzle de X années sous prétexte qu’une nouvelle pièce, dont on ne sait même pas la provenance ni l’authenticité, serait apparue alors qu’il est si facile de l’ignorer ?
Un autre problème se pose. Celui de l’assemblage logique. En effet, une aute manière de procéder est d’assembler les pièces de façon logique, sans se soucier du motif final. Car, si jamais on arrive à obtenir un ensemble cohérent, résistant aux nouveaux arrivages de pièces, serons-nous assez fort pour supporter de voir prendre forme sous nos yeux un motif qui nous causerait une terreur des plus profondes ? Serait-ce comme découvrir le monstre qui sommeille au plus profond de nous ?
L’image représentée par le puzzle ne serait-elle en fait qu’un… miroir ? Un miroir dont nous construisons le reflet, plus ou moins exact, de notre personnalité et par extension de notre âme ? Sommes-nous vraiment prêt à nous découvrir tels que nous sommes ?
Tout cela est bien joli, mais reste dépendant de nombreux facteurs, dont le plus important semble être de trouver les pièces de ce puzzle.
Mais au fait, qui a dit que toutes les pièces appartenaient au même puzzle ?
 
A+
Xav
 
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…Malacordia – 2ème partie – épisode 1 …

Quelques années avaient déversé leur substance dans le grand sablier de l’éternité. La famille Garlin régnait sur la province d’une main de fer dans un gant de fer depuis maintenant 4 générations. Leur aïeul avait obtenu le commandement de cette nouvelle colonie suite à une sombre histoire de félonie du précédent commandant, rien de très clair. Par contre, ce qui était très clair pour les Garlin, c’était qu’il ne fallait, sous aucun prétexte, s’aventurer dans la cité de Vernick. Et chaque génération faisait en sorte que le message arrive bien à la suivante.

 

Par conséquent, la modeste cité de Vernick, officiellement soumise et sous contrôle, n’avait pas vu de colonisateurs depuis la nuit des corbeaux. Aucun soldat, aucun prêtre et encore moins de percepteur. Le gouverneur s’était arrangé pour que la taxe soit supportée par d’autres villes, de manière à ce que l’Empire ne se demande pas pourquoi la Nouvelle Vénir ne lui rapportait pas autant que prévu. Et tout se déroulait pour le mieux.

Le progrès apporta des routes, des académies, la sécurité, une nouvelle religion. Bien meilleure que l’ancienne, de l’avis collégial des personnes interrogées par l’armée. Seule la cité de Vernick échappa au progrès et pu connaître une stagnation des plus linéaire.

 

Vernick avait quelque peu changé depuis la nuit des corbeaux. Les habitants avaient dû enterrer leurs morts et les autres morts. Mais surtout, ils avaient du enterrer « l’Ancien ».

Il était d’une évidence quasi religieuse que « l’Ancien » devait reposer dans la terre de son Jardin. Une longue procession lui fit donc faire son dernier voyage terrestre, depuis la place où il perdit la vie jusqu’à sa dernière demeure, au pied d’un jeune hêtre.

Une légende raconte que lorsque les premiers villageois arrivèrent dans le Jardin, une tombe était déjà creusée au pied de cet arbre. Et un cercueil reposait à coté de celui-ci.

Personne n’est plus retourné là-bas ensuite. Quelques voyageurs de passage ou voleurs avaient bien essayé de visiter cette demeure abandonnée mais avaient préféré renoncer par simple bon sens. Quant aux plus téméraires, ils allèrent se réfugier auprès de la milice, en expliquant avec effroi que les plantes et les animaux les avaient attaqués.

« L’Ancien » ne fut jamais vraiment remplacé. On désigna un Sage pour lui succéder.

La ville avait tranquillement repris le cours de son existence. Le Bourgmestre gérait, le chef de la Milice protégeait et le Sage éduquait.

 

C’est dans ce décor qu’une petite fille pas ordinaire allait s’éveiller à la vie.

Malacordia eut une enfance assez tranquille, sans grands problèmes.

En réalité, les gens se sont vite aperçus qu’il valait mieux ne pas lui faire de problèmes.

 

Elle connut une enfance des plus normale, entre jeux et travail. La culture des champs servait d’école, l’entretien de la demeure de loisir et les livres de cales pour armoire. Tout ce qu’une fille doit savoir, c’est comment bien aider son futur mari. Futur mari qui ne serait autre que le plus vieux fils du bourgmestre, du moins, quand elle aurait l’age de se marier, car on n’est pas chez les barbares. Un age que son futur époux avait déjà atteint l’année dernière. Une vie toute tracée, bien tranquille, sans heurts.

 

Pour l’instant, elle jouait avec les enfants du village. Un jour, lors d’un « tu m’trouveras pas » géant, elle eût l’idée d’aller se cacher dans le jardin de la maison de l’ « Ancêtre ».

« On ne me trouvera jamais là-bas ! » se dit-elle. Et elle avait bien raison.

Elle s’en alla donc un peu à l’extérieur de la cité, vers ce qui était en train de devenir un lieu sacré. On lui avait pourtant bien dit : « Faut pas aller là-bas sinon tu te feras attaquer par des loups » ou autre avertissement du même genre mais cela n’avait fait qu’attiser sa curiosité.

« Et puis d’ailleurs c’est quoi un loup ? » se demandait-elle.

La vieille bâtisse commençait à céder sous le poids des arbres qui la recouvrait. Comme si la nature voulait digérer cet amas de planches dans lequel, autrefois, quelqu’un avait vécu. La nature avait repris ses droits, et même un peu plus, dans ce qui semblait être un jardin. Une faune abondante avait élu domicile en ces lieux. Mais rien d’inquiétant à première vue.

Elle poussa donc le portillon de la palissade qui émit un petit cri de douleur. Un petit gémissement qu’elle entendit d’autant mieux que le silence s’était brusquement installé dans le jardin, comme si la nature voulait écouter.

« Ca s’est pas normal », se dit-elle.

Elle prit un moment pour réfléchir sur ce fait. Plus elle retournait le problème dans sa tête et plus une seule conclusion s’imposait à elle.

« A huit ans, on est grand et on n’a plus peur. » Simple, logique, imparable. Elle entra donc.

 

Elle fit quelques pas puis s’arrêta net. Toujours aucun bruit. Même le vent n’osait plus déranger les feuilles des arbres.

« Peut être je pourrai me cacher ailleurs » pensa-t-elle, mal à l’aise. « Bonne idée, lui répondit sa conscience, car les autres pourraient bien ne jamais te retrouver. »

Elle passa en revue le jardin un dernière fois avant de faire demi-tour. Et c’est là qu’elle aperçu ce magnifique arbre, à moitié caché par la végétation et la demeure. Et s’il y a bien une chose que Malacordia aime plus que tout, c’est grimper aux arbres !

Elle avait du grimper à presque tous les arbres de la cité. Certains lui avaient même laissé quelques échardes et cicatrices. Sur d’autres, elle avait passé des heures entières. Car pour ce qui était de grimper, Malacordia était sans conteste la championne des enfants de la cité. Mais pour ce qui était de descendre, c’était une autre histoire…

Chaque arbre représentait un défi pour elle. Et ce défi là, elle comptait bien le relever.

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…Malacordia – 1ère partie – épisode 2 …

Deux gardes restaient pourtant sur la place. Certainement une punition. Ils étaient chargés de garder les cadavres. Aux badauds qui s’approchaient pour enterrer les corps, ils répondaient : « Personne ne touche les corps, c’est le repas que notre commandant offre aux charognards. »

 

Le commandant prit ses quartiers dans la demeure de l’ancien Bourgmestre en compagnie de ses plus fidèles lieutenants. C’était une belle maison de pierres, aménagée de façon assez rustique, mais elle était accueillante et la cave bien pourvue. Il allait pouvoir fêter dignement sa victoire pensa t-il. « Plus dignement que la victoire en elle-même d’ailleurs… », se dit-il tout bas.

Il lui restait un goût amer de ces événements sur la place. Ce vieillard. La situation lui avait échappée un court instant. Devant tout le monde. Un vieillard sans armes, qui ne marchait qu’avec l’aide d’un vulgaire bâton, l’avait ridiculisé, lui le commandant en arme et armure, nommé par Virdouck en personne, devant la foule entière. Ce n’était pas acceptable. Une humiliation publique. Devant ses nouveaux sujets. Avant même la fin de son premier jour de pouvoir. « Demain, je tuerai tous les vieux. Pour complicité. » se dit-il, enrageant encore en repensant à la scène.

Une deuxième bouteille vide tomba sur le sol de la chambre. Si le vin avait eu pour mérite d’apaiser sa soif, il n’en était encore rien de sa colère. « Il m’a gâché mon plaisir cet abruti. Faudra penser à tuer sa famille. Et brûler sa maison. Et les voisins. A moins que je brûle sa famille et que je tue sa maison… Hahaha, ça pourrait être divertissant… ».

Sa colère commençait à retomber à mesure que les bouteilles se vidaient et roulaient sur le plancher de la chambre. Par la fenêtre, l’orage était devenu une vraie tempête et battait son plein.

Un homme entra dans la pièce.

« Que c’est-il passé ? Qu’as-tu vu ? Qu’a-t-il dit ? » demanda l’homme.

« Ha…. Garlin, mon fidèle ami… dis moi que tu n’es pas venu pour me laisser boire tout seul. Prends donc une bouteille et réjouissons nous de ce coup d’éclat. » répondit le commandant. L’alcool restaurait peu à peu l’assurance qu’il avait perdue sur la place du Bourg.

Garlin pris une bouteille, celle que le nouveau Gouverneur tenait, et la posa sur la table.

« Dis moi ce que tu as vu. Etait-ce un de ces monstres que nous avons déjà vu ? Un démon ? Une race inférieure ? »

« Je ne me souviens plus… passe moi donc cette bouteille, là bas, je crois que la réponse est au fond… » L’ivresse avait remplacé l’assurance.

« Faudra t-il donc que j’aille voir ce vieillard moi-même ? Je ne t’ai jamais vu tuer en public avec une telle rage. Dis moi ce qu’il s’est passé. »

Le commandant dessoula le temps d’un instant. Il regarda son ami, le regard perdu et inquiet.

« Garlin… c’était… affreux. Juste un vieillard, mais… il y avait quelque chose… d’autre. En lui. Je ne sais pas… mais j’ai eu peur. Très peur. Et la pluie… Je… »

Un soldat entra en trombe dans la chambre.

« Commandant, on a un problème dehors. Les gardes… ils… enfin, on a un problème. »

« Le commandant est fatigué, il se repose » répondit Garlin.

« Quel est donc ce problème, soldat ? Une rébellion ? Allons, parlez. » poursuivit il.

« Euh, il vaudrait mieux que vous veniez voir par vous-même lieutenant. Et prenez une arbalète aussi. » répondit le soldat.

Intrigué, Garlin alla regarder à la fenêtre de la chambre. L’orage s’était un peu calmé et il distinguait les gardes sur la place. Ils avaient dégainé leur épée et semblaient pourfendre l’air à grand coup.

« Allons bon, qu’est ce qu’il leur prend encore ? » dit Garlin.

« Je vais aller avoir, n’ennuyez pas le commandant pour si peu… » renchérit il.

Garlin sortit de la demeure avec 3 autres gardes et commença à se diriger vers la place. L’orage s’était tu et seule une pluie fine rendait le temps malsain.

Les deux gardes en poste s’étaient adossés et regardaient en l’air en faisant tournoyer leur épée. Garlin reconnut la manœuvre d’intimidation enseignée dans les écoles militaires calastiennes. Il regarda là où les gardes regardaient. Un cercle d’une dizaine… non, une vingtaine… peut être même plus… de corbeaux tournoyait au dessus des cadavres.

Garlin rigola.

« Hahaha. Des charognards. Déjà. Hé bien ils sont rapides ici ! Et vous avez peur de ça ? » se moqua t-il.

« Lieutenant, ils nous attaquent. Pas les cadavres, mais nous !!! » dit un des soldats, apeurés.

Garlin parut inquiet. La voix du soldat avait de très forts accents de vérité et d’inquiétude. Et elle était contagieuse apparemment.

Et le spectacle des quelques bêtes mortes à leurs pieds ne faisait que renforcer son inquiétude.

Un son strident déchira le voile noir de la nuit qui tombait.

« Croaaaaaaaaaaaaaaaaa…. »

« HAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA… » répondit un des gardes. La panique commença à gagner les acteurs de cette macabre scène.

Un détachement d’une dizaine de corbeaux fondit en piqué sur les deux gardes. Ceux-ci se défendirent tant bien que mal. Une ou deux bêtes tomba sous les coups de lame des soldats.

Mais les attaques se faisaient de plus en plus précises sur les gardes. L’un des deux semblait avoir été durement touché.

« Mon œil !!!!!! Haaaaaaaaaa !!!!!! Mon œil !!!!!!!!!!! » cria l’un d’eux.

Garlin fut le premier à réagir.

«  Abritez-vous ! Dans les maisons ! Tout le monde ! Appelez les archers ! Exécution ! »

Le cercle morbide qui tournoyait au dessus d’eux tel une épée de Virdouck, semblait de plus en plus dense.

Tout le monde était hypnotisé par cette danse de la mort qu’exécutaient ces « oiseaux ».

« Exécution j’ai dit ! » cria Garlin.

Les gardes commencèrent à courir en désordre en direction du premier toit venu.

Un autre détachement s’extirpa du cercle. Plus important. Plus impressionnant. Et le cercle ne semblait pas moins gros pour autant.

Un escadron d’une vingtaine de volatile partit droit devant et se dirigea vers Garlin. Les oiseaux passèrent au dessus de lui.

Garlin était pétrifié.

Que se passait il ? Quel était donc ce mauvais sort ? Où allaient donc ces corbea…

La réponse lui éclata à l’esprit comme la fenêtre de la chambre du commandant.

Il vit les oiseaux s’engouffrer dans la chambre. Il entendit des cris qui lui glacèrent le sang.

« Commandant… non… commandant… » dit-il tout bas. Il refusait d’y croire. Il refusait ce qu’il voyait.

« Commandant !!!!! » hurla t-il, sachant pertinemment qu’il était trop tard.

Il se mit à courir vers la maison du Bourgmestre.

Il s’arrêta quand les oiseaux ressortirent par la fenêtre et passèrent au dessus de lui.

De grosses gouttes de pluie tombèrent à ce moment là sur lui.

« Croaaaaa » firent les volatiles en le survolant.

Par réflexe, il s’inspecta. Ce n’était pas des gouttes de pluie. C’était des… morceaux de viande… avec du tissu… l’insigne du commandant…

Il tomba à genoux et vomit pendant que les corbeaux continuaient de croasser au dessus de la place.

« Ils rient… ils rient de nous… Ce sont des démons. Nous avons tué un démon. Et il nous a maudit. Nous sommes maudits ! »

Garlin était paniqué. Peut être autant que ceux qui avaient eu à subir une attaque de ces oiseaux. Il se releva tant bien que mal et se mit à courir. Il trébucha sur les pavés mouillés à plusieurs reprises. Il voulait fuir. Peu importe l’endroit. Mais fuir.

 

Les cris et l’alerte donnés avaient eu pour effet de rassembler les soldats. Et ceux-ci étaient partis soit vers la place du Bourg, soit vers la résidence de leur commandant.

Ceux qui arrivèrent sur la place se mirent à tirer sur les corbeaux, ce qui fut sans effet sinon de se faire attaquer, ou à écouter Garlin qui leur disait de fuir avec une telle conviction qu’ils ne pouvaient qu’obéir instantanément et avec le plus grand zèle.

Ceux qui arrivèrent à la demeure du Bourgmestre comprirent eux-mêmes la nécessité de rentrer au pays, non sans avoir laissé sur place le début du festin qu’ils avaient avalé.

 

Ce fût la retraite la plus désordonnée mais la plus efficace de toute l’histoire de l’armée Calastienne. Officiellement, cette région est sous contrôle calastien. Mais aucun percepteur ne s’y aventure pour percevoir l’impôt.

 

« Voilà comment s’est passé la nuit des corbeaux, les enfants. » dit le vieil homme, devant un parterre d’enfants subjugués par cette histoire.

« Moi j’ai pas peur des corbeaux ! » dit fébrilement un enfant.

« Il ne te feront rien à toi. Sauf si tu n’es pas sage et que tu ne travailles pas bien aux champs ! » dit le vieil homme.

« Moi je suis sage et je travaille bien aux champs… » se rassura tout bas l’enfant.

 

Une femme entra dans la pièce.

Elle semblait inquiète, malgré les festivités qui commençaient.

« Hum…Vénérable ancien, c’est sieur Terru qui m’envoie vous chercher. Sa femme a commencé à mettre bas. Et euh… il faudrait que vous veniez… il y a comme un problème… »

L’ancien se leva, sourit aux enfants et s’en alla voir ce que ce problème pouvait bien être.

Et en effet il y avait bien un problème. Malacordia était en train de naître.

 

 

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